Donner son lait - Prématurité

Donner son lait maternel : un acte de soin, une urgence de santé publique

Introduction

En France, environ 55 000 bébés naissent prématurément chaque année. Parmi eux, les plus petits, les plus vulnérables, sont parfois séparés de leur mère, incapables de téter ou en attente de traitement. Le lait maternel devient alors plus qu’un aliment : une mesure thérapeutique à part entière.
À l’occasion de la Journée mondiale du don de lait, ce billet explore les fondements médicaux et affectifs du don, à la lumière des recommandations de l’Association des lactariums de France (ADLF) et de l’Academy of Breastfeeding Medicine (ABM).

1. Pourquoi donner son lait ?

Le lait humain est une ressource biologique précieuse. Selon l’ABM, il réduit les risques de nécrose intestinale (NEC), d’infections, de complications pulmonaires, et améliore la tolérance digestive chez les grands prématurés (ABM Clinical Protocol #12, révisé 2021).

L’ADLF rappelle que le lait donné est systématiquement pasteurisé, contrôlé, puis administré en milieu hospitalier aux nourrissons les plus fragiles. Dans certaines situations, ce lait peut véritablement sauver une vie.

Mais le lait maternel n’est pas uniquement un aliment. Il s’agit d’une substance vivante, dynamique, spécifique à chaque dyade, et adaptée à l’âge gestationnel de l’enfant. Chez les prématurés, ce lait agit comme un soin complexe et naturel. Il apporte :

  • une tolérance digestive supérieure, grâce aux enzymes (lipase, amylase) et aux facteurs de croissance qui favorisent la maturation intestinale ;

  • une forte concentration en anticorps (IgA, IgG, IgM), en lactoferrine, en oligosaccharides et en cellules immunitaires, qui forment un véritable bouclier contre les infections ;

  • des protéines spécifiques, métabolisables par des organes encore immatures, contrairement à celles du lait animal ou industriel ;

  • des facteurs anti-inflammatoires et des cytokines capables de limiter les lésions intestinales sévères comme la NEC.

Selon les dernières recommandations scientifiques, le lait humain, lorsqu’il est utilisé en substitution d’un lait industriel, réduit significativement les risques d’infections nosocomiales, de dysbiose intestinale et de retard neurologique.

Le lait de mères de prématurés possède également des concentrations spécifiques plus élevées en protéines, en sodium, en lipides, en DHA et ARA. Il constitue un médicament naturel et sur mesure, au service des bébés les plus vulnérables.

Mais il est aussi porteur de lien : produit dans un corps engagé dans la maternité, le lait porte une charge affective, cellulaire, invisible. Transmis à un autre bébé, il devient geste de soin, de tendresse, de sororité. Il tisse, silencieusement, une chaîne de vie entre des femmes qui ne se croiseront peut-être jamais, mais dont les histoires s’alignent pour sauver un enfant.

2. Quelles sont les conditions pour donner ?

Le don de lait humain repose sur des critères stricts de sécurité. Peuvent être considérées comme donneuses les personnes :

  • en bonne santé générale,

  • allaitant un enfant de moins d’un an,

  • ne consommant pas de tabac ni de substances à risque,

  • ne suivant pas de traitement médicamenteux contre-indiqué,

  • acceptant une évaluation sérologique complète (VIH, hépatites, HTLV…).

La première prise de contact se fait auprès du lactarium régional, qui accompagne ensuite les démarches de façon personnalisée. En Île-de-France, c’est notamment le lactarium de l’hôpital Necker qui assure cette mission.

3. Comment se déroule le don ?

Le processus est simple, encadré, sécurisé :

  • le lait est tiré à domicile, selon les possibilités de la donneuse ;

  • il est conservé au congélateur dans des flacons fournis ;

  • la collecte est ensuite assurée par le lactarium ou déposée en relais ;

  • chaque lot est analysé, pasteurisé et étiqueté avant distribution.

Aucune rémunération n’est prévue, conformément à la législation française. Il s’agit d’un don volontaire, anonyme et gratuit.
Mais chaque litre a une valeur inestimable : 1 litre peut nourrir jusqu’à 10 nouveau-nés hospitalisés.

4. Pourquoi un tel besoin ?

Depuis 2022, plusieurs lactariums français ont signalé une tension inquiétante dans les réserves.
Les causes sont multiples :

  • manque de communication autour du don ;

  • méconnaissance des modalités concrètes ;

  • faible visibilité de l’impact réel sur la santé publique.

Et pourtant, la demande ne cesse de croître. Les services de néonatalogie, confrontés à des bébés de plus en plus prématurés, ont un besoin vital de lait humain pour limiter les complications.

Conclusion

Le don de lait est un acte de soin, de transmission, de solidarité. Il ne nécessite ni héroïsme, ni sacrifice.
Il s’inscrit dans les gestes du quotidien, mais porte une puissance qui dépasse les murs du foyer.
Il sauve, relie, protège.


C’est un don d’humanité.

Carte interactive des lactariums

Pour localiser le lactarium le plus proche, une carte interactive est disponible sur le site de l'ADLF : Carte des lactariums

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